J’aime la vie, je vais au cinéma

Ça y est, le festival de Cannes a ouvert ses portes, placé une fois encore sous le signe de la gaieté. Le ton est donné avec le film qui a été sélectionné pour l’ouverture. « La tête haute«  d’Emmanuelle Bercot raconte l’histoire d’un adolescent qui déteste la terre entière, incapable de maîtriser ses pulsions violentes, le tout sur fond de misère sociale dans le nord de la France. Le reste de la sélection est à l’avenant, tel « Dheepan » de Jacques Audiard, qui narre le parcours d’un guerillero tamoul réfugié en France qui découvre la violence des banlieues cosmopolites et interlopes et leur supposé potentiel d’enrichissement culturel. Ensuite, il y a « The sea of trees » de Gus Van Sant qui raconte l’histoire d’un américain venu au Japon pour se suicider dans la forêt d’Aokigahara, au pied du Mont Fuji et qui va trouver un homme encore plus désespéré que lui. On trouve aussi, parmi ces pépites, « La loi du marché » de Stéphane Brisé avec l’inénarrable Vincent Lindon qui brosse le portrait d’un type au chômage depuis un an et qui accepte de bosser en tant que vigile dans un hypermarché. S’il veut conserver son emploi il va devoir espionner ses collègues, ce qui lui pose un problème d’ordre moral. Dans une veine plus rigolote, on trouve « Marguerite et Julien » qui raconte l’histoire d’un amour incestueux entre un frère et sa sœur. Je m’en voudrais d’oublier « Chronic«  de Michel Franco, avec un Tim Roth interprétant un infirmier qui assiste des patients en phase terminale. Autant dire que les marchands de corde risquent de faire des affaires cette année !

Une fois encore, et cela dure depuis une bonne trentaine d’années, le cinéma de la sélection officielle n’a rien à voir avec celui du public. Encore une fois, le fossé entre le petit monde du système et le grand public n’en finit pas de se creuser. Le cinéma quoi qu’en disent les soi-disant élites censées faire l’opinion, œuvrant dans les temples du bon goût, à l’image de Télérama ou des Inrocks, n’est jamais qu’un art mineur, industriel et commercial. Plus encore que l’art contemporain, il a besoin, pour vivre d’attirer le plus grand nombre possible de spectateurs, et donc est condamné à produire des oeuvres qui emporteront l’adhésion. Sauf en France où le système de financement, dont il me paraît opportun de rappeler qu’il a été l’oeuvre du gouvernement de Vichy, permet à travers la spoliation organisée, pompeusement appelée péréquation, de piquer du fric dans les recettes des films qui fonctionnent bien, afin de produire des merdes se voulant à caractère social que personne n’ira voir, sinon le dernier carré des germanopratins, qui préféreraient crever plutôt que d’avoir aimé un film avec plus de cent personnes. That’s entertainment, telle est la devise hollywoodienne pour caractériser ce qu’est avant tout le cinéma. Ce qui ne veut pas dire que les cinéastes sont condamnés à réaliser des comédies ou des films d’aventures ou d’action. Le problème du cinéma français et de ceux qui font la sélection du festival, c’est qu’ils ont oublié cela. Ils préfèrent les films qui tentent de démontrer plutôt que ceux qui se contentent de montrer, faisant confiance au public pour se faire une opinion. Ils aiment le pathos et les réalisateurs qui enfilent leurs gros sabots et partent en croisade pour dénoncer je ne sais quoi. Entre « La rafle », et « La vie est belle », deux films qui montrent l’horreur nazie, le public a plébiscité le second, mais personne ne semble se demander pourquoi. On pourrait également citer d’autres films comme « Trainspotting », « The full monty », qui traitent de la misère humaine et sociale, et qui ont emporté l’adhésion du public. S’ils ont rempli les salles, c’est tout simplement parce qu’ils se contentent de montrer, tout simplement, sans chercher à en rajouter, sans faire de la politique, laissant le soin aux spectateurs de tirer leurs conclusions. Car le public n’a pas besoin de petits directeurs de conscience pour savoir ce qui est juste et bon, il n’a pas besoin de procureurs à la petite semaine pour savoir ce qui doit être dénoncé, et surtout le public n’a pas besoin de moralisateurs qui ont la prétention de leur montrer le chemin qui doit être suivi.

8 réflexions sur “J’aime la vie, je vais au cinéma

  1. Le cinéma « n’est jamais qu’un art mineur, industriel et commercial » : il est bon de le rappeler. Notons aussi qu’à l’origine, le cinéma s’est développé comme un divertissement forain. Il a pris une grande ampleur aux États-Unis, du temps du muet, car il permettait de divertir des populations d’immigrants qui souvent ne parlaient pas forcément anglais. Un bon film, d’ailleurs, peut se regarder sans le son : les images et les attitudes racontent l’histoire, le reste n’est que parlotte. Je vous engage à faire l’essai avec n’importe quel film, le résultat est surprenant – bien qu’il ne faille pas négliger le rôle de la musique, qui peut donner du relief à des scènes autrement très banale ou ennuyeuses.

    En tout état de cause, le cinéma est ce qu’il y a de plus anti-intellectuel, et s’adresse aux émotions et non à la raison. Il est possible de rendre sympathique ou antipathique n’importe quel cause ou personnage grâce au cinéma, car la réflexion du spectateur n’est jamais engagée.

    Prenez Scarface : dans la version de Howard Hawks, dans les années 40, il est présenté comme un pauvre type lâche qui fond en larme quand les flics donnent l’assaut final. Dans la version de Brian de Palma, il devient une îcone pop et glamour. Pourtant, dans les deux cas, le personnage objectif est un gangster violent et impitoyable.

    Il est significatif que les femmes aiment particulièrement le cinéma, beaucoup plus que les hommes.

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    • Pour la version de Brian de Palma, il est intéressant de préciser que le personnage de Scarface interprété par Al Pacino est surtout devenu une icône auprès de la racaille banlieusarde. Il incarne leur modèle de réussite, ce qui dans le fond est un marqueur d’intégration. En effet, s’ils continuent de refuser nos traditions, mœurs, etc., on peut voir à travers ce phénomène qu’ils ont parfaitement intégré les codes de la société hyper-capitaliste mondialisée.

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      • Pas sûr qu’il s’agisse d’hyper-capitalisme : Scarface cherche plutôt une domination totale sur un marché, et ce sur un mode patriarcal. Ce que la racaille aime dans Scarface, c’est autant le bling-bling tapageur pseudo-viril (gros flingue, luxe vulgaire, argent facile) que la posture archaïque du chef de clan devant qui tout le monde baisse les yeux.
        Mais ce que je voulais pointer, c’est que n’importe quel spectateur est amené lorsqu’il visionne le film, à prendre parti pour Scarface, indépendamment de son statut objectif : un immigré clandestin qui commet un meurtre pour obtenir, grâce à des manoeuvres occultes, un passe-droit qui lui permet de rester aux États-Unis. Une fois entré, il ne se satisfait pas d’un travail honnête mais ingrat, et décide qu’il veut tout tout de suite, ce qui ne peut être obtenu que par un parcours criminel violent. Les admirateurs de Scarface oublient d’ailleurs que cette ascension conduit à la chute, puisque le héros conquiert une femme-trophée qui se révèle stérile à force de cocaïne (produit qui rend le héros riche), et finit par mourir assassiné et seul.
        Il est étonnant de constater combien la dimension morale, presque tragique, est totalement occultée par la forme glamour et « cool » du film.

        Évidemment, la racaille, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, idolâtre un tel personnage, car il incarne très précisément ce qu’elle est – et ce à quoi elle est promise.

        Il y a d’autres modèles mis en avant par le cinéma, mais le problème est qu’ils possèdent rarement l’intensité de ceux qui vivent par la violence. Voyez notamment un film méconnu de Coppola « Tucker » qui raconte l’histoire d’un ingénieur qui, à force d’ingéniosité et de travail, cherche à révolutionner la production automobile.

        La violence fait vendre, et notre époque a su la glamouriser comme jamais auparavant, le grand-prêtre de cette tendance poussée à l’obscène étant évidemment Tarantino, qui finit par nous montrer des crimes de guerres sous un jour positif dans son infect navet quasi-pornographique « Inglorious Bastards »

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        • Si j’ai parlé des valeurs de l’hyper-capitalisme, ce n’est pas pour rien. Dans le fond, les valeurs d’un Tony Montana ne sont pas aussi éloignées que cela d’un de ces fameux « loups » de Wall Street. Il s’agit de conquérir un marché, de laminer la concurrence, de faire du fric, encore plus de fric, et de le montrer (bling bling). Certes, Scarface a fait le choix de se mettre hors la loi, mais après tout, le délit d’initié, le noyautage de l’équipe adverse afin de capter des renseignements sur leur stratégie, etc., ne sont pas des méthodes légales. La vraie différence c’est que Scarface ne se cache pas derrière une façade bien propre, il assume son caractère de salaud.

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  2. Une année, dans le genre hilarant, c’était l’histoire d’Adèle, jeune lesbienne qui a trompé sa femme avec un homme…
    L’horreur quoi.
    A la hauteur de son désespoir quand la trompée la quitte pour une autre.

    Marrant, le ciné français…

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    • On m’a prêté le dvd. J’ai abandonné au bout de 20 minutes. La réalisation se veut, c’est à dire inexistante et imbitable, le texte est à chier comme l’histoire, et c’est on ne peut plus mal joué. Du vrai cinoche français actuel. Quant au propos du film, il est tout simplement inintéressant.

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      • Alors là, l’ami, vous m’epatez !
        Une lesbienne qui trompe sa femme ?
        Avec un homme ?
        Heu oui pourquoi pas….
        Et le désespoir après ?
        Couple en danger ?
        Mais c’est le couple bourgeois qu’on assasine, là !
        Les pedes et les pedettes sont des bourgeois comme les autres ?
        Faut croire….
        Ça me scie à la base, moi qui les croyais à l’avant garde de la contestation anti zosiale….
        Bien déçu…..

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